Quatre faits divers transcendés par le plus grand cinéaste chinois actuel. Vision dont le pessimisme dénonce tout un système politique. Un film primé à Cannes et interdit en Chine.
de Jia Zhangke , avec Wu Jiang, Wang Baoqiang, Zhao Tao...
Durée: 2 h 13. Age légal/conseillé: 16/16
Né en 1970, Jia Zhangke développe depuis près de deux décennies une oeuvre à nulle autre pareille. Qu'il filme le quotidien d'un voleur à la tire ("Ciao Wu, artisan pickpocket", 1997), la reconversion d'une troupe de théâtre of ficielle en groupe de rock ("Platform", 2000), l'errance de deux habitants d'une ville rayée de la carte par la construction du titanesque barrage des Trois Gorges ("Still Life", 2006) ou la destruction d'une cité ouvrière au profit d'un complexe hôtelier de luxe ("24 City", 2008), le cinéaste chinois module avec un talent fou les plaintes sourdes d'une société en déliquescence, au grand dam des autorités de son pays, qui l'ont interdit plus d'une fois de travail!
Produit sous le couvert (sans doute protecteur) de la société de production japonaise de Takeshi Kitano, son dixième long métrage, Prix du scénario à Cannes, franchit encore un palier supplémentaire! "Touch of Sin" (littéralement "nuance de péché") relie entre eux de façon révélatrice quatre faits divers que les Chinois appellent des "tufa shijian", littéralement des "incidents soudains". Ceux-ci voient des individus basculer subitement dans une violence extrême.
Chacun pour soi
Loin de vouloir dissimuler sous les oripeaux rassurants du hasard les relations de cause à effet déclenchant ces passages à l'acte, le cinéaste Jia Zhangke n'a de cesse d'en révéler l'origine, à savoir l'alliance monstrueuse entre la violence de l'ultralibéralisme et la dépersonnalisation du communisme.
Un homme excédé par l'enrichissement illicite du maire de sa ville pète les plombs. Un autre s'adonne à une délinquance froidement mortifère pour entretenir sa famille. Une jeune prostituée quittée par son amant, marié et honorable, s'en prend à des clients qui lui manquent de respect. Un jeune multiplie les emplois décervelants, jusqu'à commettre l'irréparable... Avec une virtuosité imparable, Zhangke noue et dénoue ces destins anonymes dans des paysages dévastés par une urbanisation sauvage, sous un ciel pollué, abandonné des dieux et du soleil. L'heure n'est plus à l'utopie collective, mais au chacun pour soi, à la fuite en avant. Il n'est pas étonnant que cette vision très pessimiste des choses ait fortement déplu au pouvoir en place. A voir de toute urgence, avant toute croisière sur le fleuve Jaune!